Après avoir eu le malheur de "goûter", un peu par hasard, à la course à pied en 2008, je me suis découvert une passion pour ce sport qu'est le trail.
Un sport d'addiction, où chacun peut y trouver du plaisir, une motivation, des défis à relever.
Un sport qui permet de découvrir de nouvelles contrées, des paysages, des ambiances uniques, des personnages.
Un sport de partage, où les derniers côtoient les premiers, où l'on partage des valeurs.
J'ai longtemps hésité avant de créer ce blog, car loin de moi l'idée de me mettre en valeur (ceux qui me connaissent n'en douteront pas en instant), je tiens surtout ici à vous faire partager ma passion, au travers de mes récits de courses et des tranches de vie vécues depuis quelques années sur les sentiers...et pourquoi pas vous transmettre ce virus qu'est le trail et plus particulièrement l'ultra trail!



samedi 4 mars 2017

Un épisode Cévenol sur l'Ultra du Bout du Cirque

Suite à une entorse de la cheville venant perturber mon programme d’entrainement en ce début d’année,  j’avais mis les bouchés doubles mi février pour réhabituer mon corps à subir des efforts de longue durée et encaisser de longues parties roulantes en vue de cet ultra Cévenol de 102km pour seulement 3800D+.
Veille de la course, j’apprends que compte tenue de la tempête annoncée, le départ initialement prévu à 4h est décalé à 8h et que le parcours ne fera que 82km. Ilico presto, je revois alors toute ma stratégie de course, mes temps de passage, mon sac d’assistance, bref je m’adapte à ce changement de dernière minute sachant qu’il faudra donc courir plus vite et que le parcours sera encore plus roulant.

7h30, nous nous retrouvons avec Patrice dans la salle des sports dans l’attente du départ. Dehors il fait jour, mais la pluie tombe comme l’avait annoncé la météo. Avec ces conditions, nulle envie d’aller m’échauffer. Je vois d’ailleurs que cette solution est celle adoptée par tous les coureurs. Afin de nous préserver le plus longtemps possible de l’humidité, le départ est donné directement à la sortie de la salle où nous passons directement d’une ambiance de cocon à la dure réalité du climat cévenol. Le départ n’est pas trop rapide, (même mon Patrice reste sage), mais j’ai tout de même du mal à suivre le peloton de tête dans les premiers kilomètres : je n’arrive pas à me mettre dans la course, peut être par rapport au fait ne de pas m’être échauffé avant. Je me cale donc dans les 10 premiers et suis le rythme tant bien que mal en me disant que la route sera longue. Il pleut de plus en plus fort, je veille à rester bien équipé pour ne pas commencer à avoir froid : je ferme bien ma Gore-Tex « gros temps », remet mes gants et fixe ma casquette solidement sur ma tête. Coté sensation, les kilomètres passent mais je ne trouve toujours pas mon rythme. Je ne suis pas « dans la course », ma fréquence cardiaque est faible mais je n’arrive pas à forcer plus, j’ai les jambes lourdes.

Arrivé au ravito, mes parents sont là pour me faire l’assistance : je change de gants car les miens sont trempés et j’ai les doigts gelés. Je récupère mes sur-gants dans mon sac assistance pour ne pas avoir mes gants à nouveau trempés. Le temps d’engloutir un morceaux de banane et de pain d’épice et me voila reparti. Après quelques minutes, la pluie redouble en intensité et le froid commence à me saisir. Je déteste ces conditions et cela atteint mon mental : pourquoi continuer alors que je n’ai pas les jambes,  que je ne ferai pas de perf aujourd’hui, que je ne prends pas de plaisir à courir ? De l’autre coté, un ultra- traileur doit être capable de « combattre » dans toutes les conditions, se dépasser, de ne pas appréhender les conditions météo. Et quelle déception intérieur si je m’arrête après 20km de course. Donc go ! Je me fais violence et essaye tans bien que mal de penser à autre chose, à contempler les petits hameaux cévenols que nous traversons, à relancer le plus souvent possible en montée pour ne pas avoir trop froid.

Avec l’altitude, le vent se renforce de plus en plus et la température ressentie ne fait que baisser. La neige prend alors le dessus sur la pluie. Je sais alors que le passage en crête qui nous attend sur 3 km risque d’être ardue vue les conditions. Effectivement, j’arrive sur un single à perte de vue en crête, balayé par les fortes rafales de vent à plus de 80km/h et une neige qui tombe à l’horizontal : c’est l’apocalypse ! Les conditions sont tellement dantesques que je suis admiratif devant ce paysage et me prend pour un explorateur de l’extrême : on y voit rien, la neige fouette le visage, les cuisses me brulent avec le froid ! Il ne faut pas abdiquer, il faut avancer le plus vite possible, faire profil bas devant Dame nature en colère, avancer le plus vite possible pour redescente de ce maudit sommet. Après 20 minutes de lutte, je redescends en sous bois où la pluie reprend sa place. L’ambiance humide est bien là et les chemins sont devenus de véritables torrents. Je ne sais plus si je suis sur un trail ou en canyonning ?

Après presque 4 heures d’effort, j’arrive au ravito des Arres. Mon assistance est là, aux petits oignons : ils ont réussi à faire sécher mes gants et cela fait du bien de remettre quelque chose de chaud. J’en profite également pour prendre une soupe chaude, sachant que je ne joue plus du tout le podium, et que mon seul objectif est de finir. Réchauffé, je ressors du ravito et attaque la montée vers les cosses cévenols. Il pleut toujours, le vent devient glacial et je sais que sur le plateau, le vent sera d’autant plus fort et les conditions dures. Je n’ai qu’une seule envie : faire demi-tour pour mettre fin à cette aventure. J’hésite, je me retourne à plusieurs reprise mais NON, je veux vivre jusqu’au bout cette aventure et renforcer mon mental face à ces conditions météo. Un abandon serait la preuve définitive que je déteste ces conditions. C’est alors clair dans ma tête, j’irai jusqu’au bout !

Je traverse alors ce plateau froid et venteux mais point positif il ne pleut plus et le ciel s’éclaircie. Ouf l’accalmie temps attendue arrive enfin. Le moral revient un peu même si c’est dur de continuellement relancer et courir sur ce terrain vallonné, isolé, sans aucun coureur en visuel.

A l’approche du ravito suivant, j’aperçois Marie Pierre, la femme de Patrice qui est là. Je pense que c’est mauvais signe, il a peut être abandonné ? Mais non, elle est juste restée un instant avec mes parents pour m’encourager et cela fait plaisir.
Les kilomètres s’enchainent pour atteindre le cirque de Navacelles et les paysages sont magnifiques. Heureusement car le terrain est assez plat et cela me deviens insupportable de courir sans cesse. Je suis en manque de montée sèche. Mais comme par magie elle arrive, une belle bavante pour sortir du cirque. Je me fais plaisir et reviens même sur un coureur qui me dit que je suis frais. Je lui réponds alors que non, c’est juste que je retrouve mon élément ! En haut de la montée, j’entends une voix familière qui nous encourage. On dirait Ludo Collet ! Je dois rêver car que ferait-il là perdu dans ces contrées cévenoles ? Mais pourtant, c’est bien lui,  et la aussi ca me fait plaisir de le voir et prend même le temps de lui faire une bise, je suis en ballade ! J


Le ravito de Blandas pointe son nez. Je suis plus optimiste car il ne reste plus que 20km, le ciel s’éclairci et je sais que j’arriverai au bout de mon aventure. Je laisse à mes parents mon matos de pluie pour repartir avec un coupe-vent plus light. Je repars sur une petite foulée car il faut retraverser ce plateau vallonné de 8 km. C’est long, très long…J’essaye d’accélérer le rythme mais rien y fait j’ai les articulations qui tirent et surtout je suis incapable de monter en fréquence cardiaque qui plafonne difficilement à 140. Bref je continue ma ballade sachant que les écarts sont tellement important devant que ca ne changer rien au classement.
Je passe le dernier ravito confiant, il ne reste que 10km. J’ai mal aux jambes de ne faire que courir depuis de longues heures mais cela sent déjà la soupe à l’oignon de l’arrivée. Toujours seul, comme depuis toujours depuis le 10ième km, je chemine tranquillement vers le Vigan et la ligne d’arrivée.
Cela fait 9h42 que je cours, j’aperçois enfin cette ligne d’arrivée que je ne pensais jamais voir le matin même. Soulagé, je pénètre dans la salle des sports pour finir 14ième au scratch à presque 2 heures du premier, Fabrice d’Alletto qui a fait une très belle course. Bravo Fabrice !
Après une bonne douche chaude, je retrouve Patrice autour d’une bonne bière méritée, qui m’explique qu’après avoir mené la course, lui aussi a subit un coup de mou mais a tout de même persévéré pour finir 9ième.
Le troisième compère du Team, Mathieu,  sur le parcours de 62km,  terminera 10ième. Aujourd’hui ce n’aura pas été la course des podiums pour le team Endurance-Shop 13 mais celui de la persévérance...et c’est aussi beau.

Un grand merci à mes parents à qui j’avais confié pleinement mon assistance pour cette course et qui ont assuré comme des professionnels : un atout pour les prochains ultras à venir ! ;-)
Au final ce n’est pas le classement que Je retiendrai de cet Ultra du bout du cirque même s’il reste tout à fait honorable, mais plutôt ma volonté à vaincre ces conditions climatiques que j’appréhende tant car je sais désormais que le froid, la pluie et la neige ne me feront plus peur ! Je suis allé au bout de l’Ultra du bout du cirque !

We love « raining » !

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