Suite à une entorse de la cheville venant perturber mon programme
d’entrainement en ce début d’année,
j’avais mis les bouchés doubles mi février pour réhabituer mon corps à
subir des efforts de longue durée et encaisser de longues parties roulantes en
vue de cet ultra Cévenol de 102km pour seulement 3800D+.
Veille de la course, j’apprends que compte tenue de la tempête
annoncée, le départ initialement prévu à 4h est décalé à 8h et que le parcours
ne fera que 82km. Ilico presto, je revois alors toute ma stratégie de course,
mes temps de passage, mon sac d’assistance, bref je m’adapte à ce changement de
dernière minute sachant qu’il faudra donc courir plus vite et que le parcours
sera encore plus roulant.
7h30, nous nous retrouvons avec Patrice dans la salle des sports dans
l’attente du départ. Dehors il fait jour, mais la pluie tombe comme l’avait
annoncé la météo. Avec ces conditions, nulle envie d’aller m’échauffer. Je vois
d’ailleurs que cette solution est celle adoptée par tous les coureurs. Afin de
nous préserver le plus longtemps possible de l’humidité, le départ est donné
directement à la sortie de la salle où nous passons directement d’une ambiance
de cocon à la dure réalité du climat cévenol. Le départ n’est pas trop rapide,
(même mon Patrice reste sage), mais j’ai tout de même du mal à suivre le peloton
de tête dans les premiers kilomètres : je n’arrive pas à me mettre dans la
course, peut être par rapport au fait ne de pas m’être échauffé avant. Je me
cale donc dans les 10 premiers et suis le rythme tant bien que mal en me disant
que la route sera longue. Il pleut de plus en plus fort, je veille à rester
bien équipé pour ne pas commencer à avoir froid : je ferme bien ma
Gore-Tex « gros temps », remet mes gants et fixe ma casquette
solidement sur ma tête. Coté sensation, les kilomètres passent mais je ne
trouve toujours pas mon rythme. Je ne suis pas « dans la course », ma
fréquence cardiaque est faible mais je n’arrive pas à forcer plus, j’ai les
jambes lourdes.
Arrivé au ravito, mes parents sont là pour me faire
l’assistance : je change de gants car les miens sont trempés et j’ai les
doigts gelés. Je récupère mes sur-gants dans mon sac assistance pour ne pas
avoir mes gants à nouveau trempés. Le temps d’engloutir un morceaux de banane
et de pain d’épice et me voila reparti. Après quelques minutes, la pluie
redouble en intensité et le froid commence à me saisir. Je déteste ces
conditions et cela atteint mon mental : pourquoi continuer alors que je
n’ai pas les jambes, que je ne ferai pas
de perf aujourd’hui, que je ne prends pas de plaisir à courir ? De
l’autre coté, un ultra- traileur doit être capable de « combattre »
dans toutes les conditions, se dépasser, de ne pas appréhender les conditions
météo. Et quelle déception intérieur si je m’arrête après 20km de course. Donc
go ! Je me fais violence et essaye tans bien que mal de penser à autre
chose, à contempler les petits hameaux cévenols que nous traversons, à relancer
le plus souvent possible en montée pour ne pas avoir trop froid.
Avec l’altitude, le vent se renforce de plus en plus et la température
ressentie ne fait que baisser. La neige prend alors le dessus sur la pluie. Je
sais alors que le passage en crête qui nous attend sur 3 km risque d’être ardue
vue les conditions. Effectivement, j’arrive sur un single à perte de vue en
crête, balayé par les fortes rafales de vent à plus de 80km/h et une neige qui
tombe à l’horizontal : c’est l’apocalypse ! Les conditions sont
tellement dantesques que je suis admiratif devant ce paysage et me prend pour
un explorateur de l’extrême : on y voit rien, la neige fouette le visage,
les cuisses me brulent avec le froid ! Il ne faut pas abdiquer, il faut
avancer le plus vite possible, faire profil bas devant Dame nature en colère,
avancer le plus vite possible pour redescente de ce maudit sommet. Après 20
minutes de lutte, je redescends en sous bois où la pluie reprend sa place.
L’ambiance humide est bien là et les chemins sont devenus de véritables
torrents. Je ne sais plus si je suis sur un trail ou en canyonning ?
Après presque 4 heures d’effort, j’arrive au ravito des Arres. Mon
assistance est là, aux petits oignons : ils ont réussi à faire sécher mes
gants et cela fait du bien de remettre quelque chose de chaud. J’en profite
également pour prendre une soupe chaude, sachant que je ne joue plus du tout le
podium, et que mon seul objectif est de finir. Réchauffé, je ressors du ravito
et attaque la montée vers les cosses cévenols. Il pleut toujours, le vent
devient glacial et je sais que sur le plateau, le vent sera d’autant plus fort
et les conditions dures. Je n’ai qu’une seule envie : faire demi-tour pour
mettre fin à cette aventure. J’hésite, je me retourne à plusieurs reprise mais
NON, je veux vivre jusqu’au bout cette aventure et renforcer mon mental face à
ces conditions météo. Un abandon serait la preuve définitive que je déteste ces
conditions. C’est alors clair dans ma tête, j’irai jusqu’au bout !
Je traverse alors ce plateau froid et venteux mais point positif il ne
pleut plus et le ciel s’éclaircie. Ouf l’accalmie temps attendue arrive enfin.
Le moral revient un peu même si c’est dur de continuellement relancer et courir
sur ce terrain vallonné, isolé, sans aucun coureur en visuel.
A l’approche du ravito suivant, j’aperçois Marie Pierre, la femme de
Patrice qui est là. Je pense que c’est mauvais signe, il a peut être
abandonné ? Mais non, elle est juste restée un instant avec mes parents
pour m’encourager et cela fait plaisir.
Les kilomètres s’enchainent pour atteindre le cirque de Navacelles et
les paysages sont magnifiques. Heureusement car le terrain est assez plat et
cela me deviens insupportable de courir sans cesse. Je suis en manque de montée
sèche. Mais comme par magie elle arrive, une belle bavante pour sortir du
cirque. Je me fais plaisir et reviens même sur un coureur qui me dit que je
suis frais. Je lui réponds alors que non, c’est juste que je retrouve mon
élément ! En haut de la montée, j’entends une voix familière qui nous
encourage. On dirait Ludo Collet ! Je dois rêver car que ferait-il là
perdu dans ces contrées cévenoles ? Mais pourtant, c’est bien lui, et la aussi ca me fait plaisir de le voir et
prend même le temps de lui faire une bise, je suis en ballade ! J
Je passe le dernier ravito confiant, il ne reste que 10km. J’ai mal
aux jambes de ne faire que courir depuis de longues heures mais cela sent déjà
la soupe à l’oignon de l’arrivée. Toujours seul, comme depuis toujours depuis
le 10ième km, je chemine tranquillement vers le Vigan et la ligne
d’arrivée.
Cela fait 9h42 que je cours, j’aperçois enfin cette ligne d’arrivée
que je ne pensais jamais voir le matin même. Soulagé, je pénètre dans la salle
des sports pour finir 14ième au scratch à presque 2 heures du
premier, Fabrice d’Alletto qui a fait une très belle course. Bravo Fabrice !
Après une bonne douche chaude, je retrouve Patrice autour d’une bonne
bière méritée, qui m’explique qu’après avoir mené la course, lui aussi a subit
un coup de mou mais a tout de même persévéré pour finir 9ième.
Le troisième compère du Team, Mathieu, sur le parcours de 62km, terminera 10ième. Aujourd’hui ce
n’aura pas été la course des podiums pour le team Endurance-Shop 13 mais celui
de la persévérance...et c’est aussi beau.
Un grand merci à mes parents à qui j’avais confié pleinement mon
assistance pour cette course et qui ont assuré comme des professionnels :
un atout pour les prochains ultras à venir ! ;-)
Au final ce n’est pas le classement que Je retiendrai de cet Ultra du
bout du cirque même s’il reste tout à fait honorable, mais plutôt ma volonté à
vaincre ces conditions climatiques que j’appréhende tant car je sais désormais
que le froid, la pluie et la neige ne me feront plus peur ! Je suis allé
au bout de l’Ultra du bout du cirque !
We love « raining » !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire