Il est 23h, il fait encore très chaud. Il est l’heure
de se retrouver sur le cours Paoli en
plein centre de Corte avec le team (Patrice Marmet, Perrine Scheiner et Mathieu Siraudin) pour échanger
sur nos dernières sensations d’avant course et décompresser un peu avant ces 110km et 8000 de D+. Les minutes
passent vite, juste le temps de se positionner sur la ligne que le départ est
donné. Nous voilà parti pour une vingtaine d’heures d’efforts, sous la canicule
au milieu du granit Corse.
Cela
ne part pas trop vite et tant mieux car je connais le parcours et sait que
celui-ci est un des plus exigent que je connaisse. Je me cale dans les 15 premiers
sans trop me préoccuper de ma place, je cours aux sensations, reste en dedans
pour tenter de respecter mes temps de passage. Je fais ma course sans me soucier de la
concurrence.
La
première grosse bosse (1400D en 6km) se passe bien, je me sens en forme, les sensations sont
bonnes. Juste le temps de me perdre un peu dans la première descente avec un
autre concurrent (Corse pourtant ;-)) histoire de perdre quelques minutes
pour me retrouver dans un groupe avec quatre autres coureurs dont Fabrice Daletto
(le futur vainqueur). Sur une longue
piste forestière en faux plat, je me surprends même à tirer l’ensemble du
groupe, alors que les parties roulantes ne sont pourtant pas ma spécialité.
C’est bon signe, cela veut die que les jambes sont là. Arrive alors des singles
plus techniques où notre petit groupe trouve un bon petit rythme et où chacun
trouve sa place avec quelques prises de relais pour relancer le groupe. Nous
avançons bien, je suis dans mes temps à la minute prêt. Au pointage du 20ième
km, les bénévoles nous annoncent que les 2 premiers sont justes à quelques
minutes. C’est une grosse surprise car je pensais être dans les 10 et non pas
dans les 3 premiers.
Il
est maintenant 3h30 du matin, et nous entamons une longue descente assez
roulante sur le ravito de Calacuccia. J’ai du mal à suivre car au delà du fait
que je ne soit pas un bon descendeur, j’ai peur de vouloir trop solliciter mes
cuisses pour le reste de la course. Je laisse partir devant et me retrouve donc
pour la première fois de la course seul pour rejoindre le ravito où Julien Germain et
mes parents m’attendent. Je refait le plein d’eau tranquillement et sais que la
route est encore très très longue. Cela ne sert à rien de faire un ravito
express. Restons Zen.
En
repartant, Julien m’annonce que Patrice n’est que 5 min devant.
Malheureusement, au bout de 10 minutes à peine, je reviens sur lui. Je sens
alors qu’il n’est pas dans son jour. Nous échangeons quelques mots mais
comprend vite qu’il est découragé à l’idée d’affronter la montée de 1600D qui
nous attend. Je m’échappe lentement, déçu pour lui, notre mouflon Provencal et
progresse toujours dans mon rythme pour affronter cette effroyable ascension
vers le lac du Cinto. Le paysage est magnifique avec un lever de soleil sur le
mont Cinto, le granit prend des couleurs rougeâtres, tout est calme, je
surprends des mouflons (des vrais), j’en oublie que cela fait presque deux
heures que je monte.
S’en
suite la bascule en direction du GR 20. La descente est très technique, ca
n’avance pas, mais je reste serein car je connais le parcours et qu’il faut
prendre son mal en patience. Il ne faut pas s’exciter surtout qu’il va
commencer à faire chaud. En bas de la descente nous retrouvons le GR20. Cela
fait toujours quelque chose de fouler ce sentier mythique : Je pense alors
à K.Jornet, F.D’Haene et les autres qui
s’y sont frotté pour battre le record.
Tout
va bien, je suis dans le 8 premiers, je gère mon effort, toujours dans les
temps, même si j’accuse un petit coup de mou. Je bois beaucoup pour anticiper
la déshydratation, prend le temps de m’alimenter pour palier à ce coup de moins
bien. Mais le GR est exigeant et ne pardonne rien : sur un passage presque
roulant, je m’embronche dans une petite pierre et m’écrase au sol sur un
pierrier, dans la poussière. J’ai alors le souffle coupé et m’assoit par terre.
Je fais vite un check-up : quelques égratignures sur le coude et la
hanche, une douleur sur les cotes qui sont venues frapper les pierres mais ca à
l’air d’aller. Je repars tranquillement en marchant car je suis encore un peu
sous le choc. Après quelques minutes je commence à courir mais je sens une vive
douleur au niveau de mes cotes à chaque
impact de mes pieds sur le sol. De plus, conséquence (ou cause) de ma chute,
mon coup de mou se transforme rapidement en gros coup de moins bien. Je
n’arrive plus à courir, j’ai mal de partout. Je commence alors à broyer du noir
car c’est aussi là où il y a 3 ans j’avais abdiqué, sur ces 5 km qui mènent à
la base vie de mi parcours. Mais cette fois-ci je ne veux pas abandonner. Je
suis en mauvais état mais je continue à marcher pour rejoindre ce ravito de
Verggio ou je me dis qu’une bonne pause me fera repartir plus en forme, même
s’il faut y rester une heure.
J’arrive
au ravito avec plus d’une heure de retard sur mon planning. Je comprends alors
qu’il sera dur de jouer un top 5. Je retrouve une fois de plus mes parents et
Julien qui sont aux petits oignons avec moi. Ils me ravitaillent, me donnent à
manger. Je prend mon temps (un peu trop pour Julien ;-)) mais j’en ai
besoin car je suis vidé.
Après
plus de 13h de course, je retrouve des sensations, sauf ma cote bien entendu
qui me fait toujours souffrir en descente. Néanmoins, je ne souffre pas de la
chaleur, et arrive à garder un bon rythme en montée. D’ailleurs, je me
surprends de nouveau à respecter mes temps de course.
J’appréhendais
de ne pas pouvoir courir sur le long faux plat descendant de 5km après le lac
de Ninu mais j’y arrive en serrant un peu les dents. Personne de reviens sur
moi, c’est bon signe.
J’avale
une dernière grosse difficulté, la brèche de Capitello (et point culminant du
GR20) comme si de rien était (ou presque), pourtant il fait chaud. Je prend le
temps de me rafraichir et mouiller ma casquette à chaque petit torrents. Arrivé
sur la crête, où il faut alors faire un
peu de de-escalade, l’ambiance change radicalement car ma cote me lance à nouveau
à chaque mouvement. Je pousse même quelques soupirs de souffrance. Mais bon, il
faut continuer, je veux être finisher.
Dernier
gros ravito avec mon assistance familiale. Je prend le temps de m’asseoir 5
minutes, prend une soupe, blague un peu avec les bénévoles qui sont adorables
(comme sur tous les ravitos d’ailleurs) et me prépare à affronter les 25
derniers km. Mon nouvel objectif pour me motiver est de tenter d’arriver avant la nuit soit
avant 21h30.
Je
repars, bien ravitaillé, avec quelques canistrelli en poche pour me faire plaisir
en cas de coup de moins bien. Arrivé au dernier ravito, je sais que le plus dur
est fait car il ne reste que 14 km de profil plutôt descendant. Le seul
problème c’est qu’aujourd’hui je souffre en descente et sait que ces 2
dernières heures seront surement un véritable calvaire. Je dis alors au revoir
aux bénévoles un peu inquiet sur mon avenir proche, mais j’ai une fois de plus
quelques canistrelli en poche. Comme prévu, la descente me fait mal mais
bizarrement peu à peu, je souffre moins (le fait d’être plus chaud, le fait de
savoir que l’arrivée approche). Néanmoins, même sans trop souffrir, les
derniers km à longer le Tavignano sont interminables. Je débranche alors le
cerveau et ne pense plus à rien, sauf à essayer d’accélérer pour arriver sans
ma frontale sur la tête.
21h15,
je rentre dans la citadelle de Corte, mission accomplie, il ne reste plus qu’un
km à travers la vielle ville. L’ambiance deviens magique : tous les gens
attablés aux terrasses des restaurant m’applaudissent et m’encouragent comme si
j’étais premier. J’en ai les larmes au yeux, et réalise que j’ai tenu le coup
toute la journée à me battre avec moi même. Au bout de ce km de
« gloire », j’aperçois sur l’arrivée mes parents, Julien, Philippe Deri (qui court le lendemain à 5h), et même Patrice (après son abandon) qui nous
attend. Je franchis la ligne en 21h54, à la 11ième place, avec un
grand sourire et heureux.
Heureux
avec cette sensation d’accomplissement : Non pas celle d’avoir fait une
énorme performance mais celle de m’être battu sur ce parcours « extrême » et de
n’avoir rien lâché.
Cette
année encore l’ultra trail de Corse restera pour moi inoubliable avec ses
paysages indescriptibles (c’est d’ailleurs pour cela que je ne vous les ai pas
décrit), ses bénévoles extraordinaires, et un tracé des plus exigeants que je
connaisse.
Merci
à mes parents, Julien, Perrine (qui termine 1iere féminine à 55min de bibi),
Thomas Thiébaud (1ier dormeur à Grotelle), Patrice, Cédric Therin (pour notre
footing d’avant course), Mathieu, Philippe et tous les autres pour ce grand we
de trail.
Aujourd’hui
je n’ai pas couru pour la performance, mais simplement pour moi même et surtout
être comme les 105 survivants du jour : Heureux d’être Finisher !
Merci pour ce super compte rendu
RépondreSupprimerContinue de nous faire rever !
Jean Luc