Après avoir eu le malheur de "goûter", un peu par hasard, à la course à pied en 2008, je me suis découvert une passion pour ce sport qu'est le trail.
Un sport d'addiction, où chacun peut y trouver du plaisir, une motivation, des défis à relever.
Un sport qui permet de découvrir de nouvelles contrées, des paysages, des ambiances uniques, des personnages.
Un sport de partage, où les derniers côtoient les premiers, où l'on partage des valeurs.
J'ai longtemps hésité avant de créer ce blog, car loin de moi l'idée de me mettre en valeur (ceux qui me connaissent n'en douteront pas en instant), je tiens surtout ici à vous faire partager ma passion, au travers de mes récits de courses et des tranches de vie vécues depuis quelques années sur les sentiers...et pourquoi pas vous transmettre ce virus qu'est le trail et plus particulièrement l'ultra trail!



vendredi 30 août 2019

UTMB 2019...ou le plaisir de finir !


Quelle émotion de se retrouver une fois de plus sur cette ligne de départ de l’UTMB au milieu de 2500 coureurs et dans une ambiance hors norme en plein centre de Chamonix. C’est la troisième fois que j’ai la chance de vivre ce moment. Une fois pour boucler un mini UTMB sur un parcours de repli à cause de la neige qui s’était invitée sur le parcours, une autre fois pour m’arrêter après seulement 30 km à cause d’une cruralgie survenue quelques semaines avant le départ, et cette fois-ci, ou je sais que je ne suis pas assez préparé avec quelques kilos de trop ce qui m’empêche d’espérer un bon chrono. Mais la magie UTMB opère une fois de plus et j’attends le départ presque la larme à l’œil en ayant qu’un seul objectif, celui d’être finisher et prendre un maximum de plaisir.

Je retrouve sur la ligne mes amis d’Aix Athlé Samir et Romain ainsi que mon collègue de Team Cédric qui est plus que motivé pour cette course (bravo à lui d’ailleurs pour son magnifique chrono de 26h). Cédric nous incite à nous placer à côté de lui au plus près des Elite. Nous sommes quasiment sous l’arche de départ. Je sais que ça va partir très fort et qu’il va falloir se freiner pour ne pas se laisser entrainer dans l’euphorie et se griller dès les premiers km, surtout que je sais pertinemment que cette année je n’ai pas la condition physique pour. Le départ est donné et nous traversons Cham sous la clameur du public. C’est énorme. J’ai la chair de poule et pense à tout ce qui se joue pour moi sur cette course. A ce défi que je me suis fixé de finir quoi qu’il arrive.
Je me fie à mes sensations et me fixe un rythme de course me permettant de ne pas trop m’attarder sans non plus me griller. Je passe les Houches dans les 200ième et commence à me dire que je suis un peu trop rapide. Je croise alors plusieurs connaissances dans la montée. Dur de ne pas s’emballer dans ce cas-là. Je les salue, prends quelques secondes pour discuter et repart. Le passage sur St Gervais est très rapide mais commence à me freiner un peu. Je veux rester sage, la course sera longue.

La nuit tombe et étrangement, je suis très serein. En temps normal je me serais posé une foultitude de question : Ma frontale va-t-elle tenir tout la nuit ? Suis-je assez habillé ? Est-ce qu’il va faire froid ? Et là rien. Je ne me pose pas de question. Je suis sûr de moi, sûr de ma gestion de course. Je quitte le dernier ravito où mes parents sont là pour m’assister avant de m’enfoncer dans la nuit profonde jusqu’au petit matin où je les retrouverai à Courmayeur. Je franchie le mythique col du Bonhomme passe les Chapieux et repart vers le col de la Seigne. Même si mon objectif n’est pas le classement, je constate que je suis dans les 300ième et me fait doubler sans cesse. Le moral en prend un coup. Je commence à me démotiver : Qu’est-ce que je fais là ? Pourquoi courir si c’est pour finir loin de mes capacités ? Je n’ai qu’une envie c’est d’appeler Lisa pour avoir un peu de réconfort mais malheureusement je ne capte plus. Je marche donc dans l’inconnue, à la recherche du réseau…
Passé du côté Italien, je retrouve le réseau et me jette sur mon téléphone. Elle me raisonne et me recentre sur mon seul et unique objectif, celui de me prouver que je peux finir cet UTMB. Déjà 12 heures de course mais go ça continue.

Le soleil se lève sur le massif du Mont Blanc, je comprends alors pourquoi je suis là. Je suis heureux et fonce vers Courmayeur pour retrouver mon assistance. Un plaisir de se changer, manger un peu et échanger avec mes parents. Je ne suis pas encore à mi-course mais le moral est là et pars pour une nouvelle journée sur la partie du parcours que je connais.
Les kilomètres passent, je suis toujours dans les 300ième et me fais toujours doubler. Bis repetita, le moral reflanche pour le même motif. J’arrive à la Fouly en commençant à un peu subir la fatigue, normal j’ai fait 100km. Je suis également loin de mes temps de passage mais pour le coup j’ai déconnecté l’idée de performance et ne cours que pour être finisher que ce soit en 32, 38 ou 44 heures. Sorti du ravito, je commence à échanger avec un autre coureur. C’est la première fois de la course que je ressens le besoin de parler. Jusqu'à là j’étais dans ma bulle, à l’écoute de mon corps, et à la recherche d’un sens à tout çà. On discute, surtout qu’il vient de la Réunion, on relance et voilà comment je me retrouve en bas de Champex dans un rythme trop soutenu et rentre dans une grosse phase d’hypoglycemie. Je mange mais trop tard. Je sais que je vais devoir lutter, pas à pas durant 500m de D+ pour rejoindre le ravito.


J’arrive au ravito en mode survie. Je retrouve mon assistance ainsi que mon oncle et ma tante venus m’encourager et découvrir mon sport. Je suis un peu déçu de leur montrer cette facette de l’ultra, avec leur coureur qui est au fond du trou. Je prends alors le temps de bien me ravitailler avec un bol de riz, un peu de fromage et du pain et une bonne dose de crème de marron. Sachant que l’arrivée est encore loin et que je ne suis pas au top de ma forme, je me décide à aller dormir 10min. Juste le temps de m’assoupir que mon réveil sonne. Il est temps de repartir un peu plus frais. La micro sieste m’a fait du bien. Mon oncle et ma tente m’accompagnent sur quelques hectomètres à la sortie du ravito et cela me fait du bien. Me voilà alors de nouveau seul, à l’assaut de la Giète. Je monte péniblement. Je connais bien cette montée mais là elle me semble interminable. Je regarde ma montre et me dis que je n’arriverai pas à Cham avant le matin. Je mets ma frontale au sommet car je rentre dans ma seconde nuit qui va être longue. La descente vers le ravito de Trient ne m’économise pas. Je commence à souffrir des quadri et des articulations. Je n’arrive plus à courir en descente et alterne entre marche rapide et petite foulée. Je sers les dents mais suis dans le dur. Une fois de plus le moral rechute : Mais pourquoi je fais ça ? Quel est le but ?

J’arrive à Trient épuisé et démotivé. Je m’alimente, discute avec ma mère qui me soutient moralement. J’ai envie d’arrêter là. Je commence alors à lire tous les messages de soutien sur mon téléphone. Je pense à ceux qui me suivent et espèrent que je finisse, au fait qu’il y a un an jour pour jour mon kiné Stéphane m’autorisait a courir 10 min sur un tapis roulant après mon opération. Je me décide à appeler Lisa pour lui dire que je vaux arrêter. Elle sait alors trouver les mots pour relativiser et trouver au fond de moi le pourquoi je fais cet UTMB. Je lui dis que je vais dormir un peu et tacherai de repartir. Je raccroche et m’allonge 15 min sur un banc faute de lit. En quelques minutes je sombre. Ma mère me réveille 15 min après comme prévu et me dit que mon ami Philippe Deri vient juste d’arriver. Je savais qu’il était environ 30 min derrière moi depuis longtemps mais là c’est une aubaine. Ni une ni deux je fonce sur lui pour lui proposer de continuer ensemble. Lui aussi est atteint physiquement. Il est ravi de continuer avec moi. On embarque alors aussi avec nous Christophe, un coureur qui courait avec Philippe depuis un certain temps. Sorti du ravito, accompagné de mon ami, je ne ressens plus de douleur et mène une cadence d’enfer. Je me sens tout neuf, comme quoi le mental ! On chemine tout les 3 dans l’obscurité. L’ambiance et bonne, on discute mais peu à peu la douleur nous rappelle à l’ordre et nous fait serrer les dents.

Plus que 20 km avec l’ascension de la Tete au Vent. La montée nous est douloureuse et longue. J’acquiesce un énorme coup de barre et commence à m’endormir en marchant. Je propose alors à Philou de passer devant pour guider notre petit groupe afin de me réveiller. On est fatigué, normal il est 4h du matin et commençons à rire de nos états. Personnellement, je commence à avoir des hallucinations après deux nuits blanches. Cela me fait également rire. D’un coup mon téléphone sonne. Mes deux compères sautent alors sur l’occasion pour s’asseoir immédiatement pour faire une pause et me disent que j’ai tout mon temps pour discuter un peu. Je suis mort de rire.
Les kilomètres pour rejoindre le dernier ravito sont interminables. Nous sollicitons Christophe plus en forme pour qu’il parte seul car il va plus vite. Nous nous retrouvons alors à deux avec Philippe. Nous appréhendons tout les deux la dernière descente car nos quadri sont en vrac. Nous prenons quelques forces au dernier ravito et nous lançons sur l’ultime descente avec Cham en point de mire. On a mal mais on sert les dents et savons que plus rien ne nous empêchera de franchir l’arche d’arrivée. On souffre, on se soutient, on crie, mais la ville se fait proche. On rentre dans Chamonix les jambes lourdes. J’aperçois alors un très bon ami, Francois, qui me fait la surprise d’être là pour mon arrivée. Il court les derniers kilomètres avec nous. Cela me touche, et je suis aussi ému de partager cette « victoire » avec mon collègue de trail Philippe. Cela fait 37 heures que nous sommes parti et nous voilà de retour sur la place de l’amitié de Chamonix. L’arrivée est quasi déserte à 7h du matin, mais l’émotion est bien présente et je passe sous l’arche ou je fixe les 4 lettres inscrites à son sommet : U T M B ! Ca y est je l’ai enfin bouclé ce tour du massif du Mont Blanc !


Effectivement, je suis loin du chrono que j’aurai pu espérer, mais je suis extrêmement heureux et accompli de ne pas avoir craqué et devenir finisher malgré mon entrainement. Je suis heureux pour ma famille, Lisa, mes amis qui m’ont soutenu, mes kinés, mon team Endurance Shop qui me soutient mais surtout pour moi même. Je suis venu sur cet ultra pour relever un défi personnel. Je l’ai accompli et je sais définitivement répondre à cette question : Mais pourquoi je cours ?




  

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