Après avoir eu le malheur de "goûter", un peu par hasard, à la course à pied en 2008, je me suis découvert une passion pour ce sport qu'est le trail.
Un sport d'addiction, où chacun peut y trouver du plaisir, une motivation, des défis à relever.
Un sport qui permet de découvrir de nouvelles contrées, des paysages, des ambiances uniques, des personnages.
Un sport de partage, où les derniers côtoient les premiers, où l'on partage des valeurs.
J'ai longtemps hésité avant de créer ce blog, car loin de moi l'idée de me mettre en valeur (ceux qui me connaissent n'en douteront pas en instant), je tiens surtout ici à vous faire partager ma passion, au travers de mes récits de courses et des tranches de vie vécues depuis quelques années sur les sentiers...et pourquoi pas vous transmettre ce virus qu'est le trail et plus particulièrement l'ultra trail!



jeudi 7 juillet 2016

Ultra Trail de Corse: Une course "mi-figue, mi-châtaigne":

Il est 23h, il fait encore très chaud. Il est l’heure de  se retrouver sur le cours Paoli en plein centre de Corte avec le team (Patrice Marmet, Perrine Scheiner et Mathieu Siraudin) pour échanger sur nos dernières sensations d’avant course et décompresser un peu avant ces 110km et 8000 de D+. Les minutes passent vite, juste le temps de se positionner sur la ligne que le départ est donné. Nous voilà parti pour une vingtaine d’heures d’efforts, sous la canicule au milieu du granit Corse.

Cela ne part pas trop vite et tant mieux car je connais le parcours et sait que celui-ci est un des plus exigent que je connaisse. Je me cale dans les 15 premiers sans trop me préoccuper de ma place, je cours aux sensations, reste en dedans pour tenter de respecter mes temps de passage.  Je fais ma course sans me soucier de la concurrence.
La première grosse bosse (1400D en 6km) se passe bien,  je me sens en forme, les sensations sont bonnes. Juste le temps de me perdre un peu dans la première descente avec un autre concurrent (Corse pourtant ;-)) histoire de perdre quelques minutes pour me retrouver dans un groupe avec quatre autres coureurs dont Fabrice Daletto (le futur vainqueur).  Sur une longue piste forestière en faux plat, je me surprends même à tirer l’ensemble du groupe, alors que les parties roulantes ne sont pourtant pas ma spécialité. C’est bon signe, cela veut die que les jambes sont là. Arrive alors des singles plus techniques où notre petit groupe trouve un bon petit rythme et où chacun trouve sa place avec quelques prises de relais pour relancer le groupe. Nous avançons bien, je suis dans mes temps à la minute prêt. Au pointage du 20ième km, les bénévoles nous annoncent que les 2 premiers sont justes à quelques minutes. C’est une grosse surprise car je pensais être dans les 10 et non pas dans les 3 premiers.

Il est maintenant 3h30 du matin, et nous entamons une longue descente assez roulante sur le ravito de Calacuccia. J’ai du mal à suivre car au delà du fait que je ne soit pas un bon descendeur, j’ai peur de vouloir trop solliciter mes cuisses pour le reste de la course. Je laisse partir devant et me retrouve donc pour la première fois de la course seul pour rejoindre le ravito où Julien Germain et mes parents m’attendent. Je refait le plein d’eau tranquillement et sais que la route est encore très très longue. Cela ne sert à rien de faire un ravito express. Restons Zen.
En repartant, Julien m’annonce que Patrice n’est que 5 min devant. Malheureusement, au bout de 10 minutes à peine, je reviens sur lui. Je sens alors qu’il n’est pas dans son jour. Nous échangeons quelques mots mais comprend vite qu’il est découragé à l’idée d’affronter la montée de 1600D qui nous attend. Je m’échappe lentement, déçu pour lui, notre mouflon Provencal et progresse toujours dans mon rythme pour affronter cette effroyable ascension vers le lac du Cinto. Le paysage est magnifique avec un lever de soleil sur le mont Cinto, le granit prend des couleurs rougeâtres, tout est calme, je surprends des mouflons (des vrais), j’en oublie que cela fait presque deux heures que je monte.
S’en suite la bascule en direction du GR 20. La descente est très technique, ca n’avance pas, mais je reste serein car je connais le parcours et qu’il faut prendre son mal en patience. Il ne faut pas s’exciter surtout qu’il va commencer à faire chaud. En bas de la descente nous retrouvons le GR20. Cela fait toujours quelque chose de fouler ce sentier mythique : Je pense alors à K.Jornet, F.D’Haene  et les autres qui s’y sont frotté pour battre le record.

Tout va bien, je suis dans le 8 premiers, je gère mon effort, toujours dans les temps, même si j’accuse un petit coup de mou. Je bois beaucoup pour anticiper la déshydratation, prend le temps de m’alimenter pour palier à ce coup de moins bien. Mais le GR est exigeant et ne pardonne rien : sur un passage presque roulant, je m’embronche dans une petite pierre et m’écrase au sol sur un pierrier, dans la poussière. J’ai alors le souffle coupé et m’assoit par terre. Je fais vite un check-up : quelques égratignures sur le coude et la hanche, une douleur sur les cotes qui sont venues frapper les pierres mais ca à l’air d’aller. Je repars tranquillement en marchant car je suis encore un peu sous le choc. Après quelques minutes je commence à courir mais je sens une vive douleur au niveau de mes cotes  à chaque impact de mes pieds sur le sol. De plus, conséquence (ou cause) de ma chute, mon coup de mou se transforme rapidement en gros coup de moins bien. Je n’arrive plus à courir, j’ai mal de partout. Je commence alors à broyer du noir car c’est aussi là où il y a 3 ans j’avais abdiqué, sur ces 5 km qui mènent à la base vie de mi parcours. Mais cette fois-ci je ne veux pas abandonner. Je suis en mauvais état mais je continue à marcher pour rejoindre ce ravito de Verggio ou je me dis qu’une bonne pause me fera repartir plus en forme, même s’il faut y rester une heure.

J’arrive au ravito avec plus d’une heure de retard sur mon planning. Je comprends alors qu’il sera dur de jouer un top 5. Je retrouve une fois de plus mes parents et Julien qui sont aux petits oignons avec moi. Ils me ravitaillent, me donnent à manger. Je prend mon temps (un peu trop pour Julien ;-)) mais j’en ai besoin car je suis vidé.








Je repart après une vingtaine de minutes sous les encouragements des bénévoles et disparaît seul dans ce GR20. C’est un peu le passage d’un point de non retour car je sais qu’en continuant, je devrais aller au minimum jusqu’au 88ième km si je me sent mal. Et je suis mal car ma cote me fait souffrir en descente. Je sais alors qu’il sera dur de tenir mon objectif de 20h30 de course. Pourquoi donc continuer ?  Et si ! Je me le dois, parce que je pense à tous mes amis qui suivent le live, à tous ces coureurs dont le seul rêve et d’être finisher et parce qu’aussi cela ne fera que renforcer mon mental.

Après plus de 13h de course, je retrouve des sensations, sauf ma cote bien entendu qui me fait toujours souffrir en descente. Néanmoins, je ne souffre pas de la chaleur, et arrive à garder un bon rythme en montée. D’ailleurs, je me surprends de nouveau à respecter mes temps de course.
J’appréhendais de ne pas pouvoir courir sur le long faux plat descendant de 5km après le lac de Ninu mais j’y arrive en serrant un peu les dents. Personne de reviens sur moi, c’est bon signe.
J’avale une dernière grosse difficulté, la brèche de Capitello (et point culminant du GR20) comme si de rien était (ou presque), pourtant il fait chaud. Je prend le temps de me rafraichir et mouiller ma casquette à chaque petit torrents. Arrivé sur la crête, où il faut alors  faire un peu de de-escalade, l’ambiance change radicalement car ma cote me lance à nouveau à chaque mouvement. Je pousse même quelques soupirs de souffrance. Mais bon, il faut continuer, je veux être finisher.
Dernier gros ravito avec mon assistance familiale. Je prend le temps de m’asseoir 5 minutes, prend une soupe, blague un peu avec les bénévoles qui sont adorables (comme sur tous les ravitos d’ailleurs) et me prépare à affronter les 25 derniers km. Mon nouvel objectif pour me motiver  est de tenter d’arriver avant la nuit soit avant 21h30.
Je repars, bien ravitaillé, avec quelques canistrelli en poche pour me faire plaisir en cas de coup de moins bien. Arrivé au dernier ravito, je sais que le plus dur est fait car il ne reste que 14 km de profil plutôt descendant. Le seul problème c’est qu’aujourd’hui je souffre en descente et sait que ces 2 dernières heures seront surement un véritable calvaire. Je dis alors au revoir aux bénévoles un peu inquiet sur mon avenir proche, mais j’ai une fois de plus quelques canistrelli en poche. Comme prévu, la descente me fait mal mais bizarrement peu à peu, je souffre moins (le fait d’être plus chaud, le fait de savoir que l’arrivée approche). Néanmoins, même sans trop souffrir, les derniers km à longer le Tavignano sont interminables. Je débranche alors le cerveau et ne pense plus à rien, sauf à essayer d’accélérer pour arriver sans ma frontale sur la tête.
21h15, je rentre dans la citadelle de Corte, mission accomplie, il ne reste plus qu’un km à travers la vielle ville. L’ambiance deviens magique : tous les gens attablés aux terrasses des restaurant m’applaudissent et m’encouragent comme si j’étais premier. J’en ai les larmes au yeux, et réalise que j’ai tenu le coup toute la journée à me battre avec moi même. Au bout de ce km de « gloire », j’aperçois sur l’arrivée mes parents, Julien, Philippe Deri (qui court le lendemain à 5h), et même Patrice (après son abandon) qui nous attend. Je franchis la ligne en 21h54, à la 11ième place, avec un grand sourire et heureux.
Heureux avec cette sensation d’accomplissement : Non pas celle d’avoir fait une énorme performance mais celle de m’être battu sur  ce parcours « extrême » et de n’avoir rien lâché.
Cette année encore l’ultra trail de Corse restera pour moi inoubliable avec ses paysages indescriptibles (c’est d’ailleurs pour cela que je ne vous les ai pas décrit), ses bénévoles extraordinaires, et un tracé des plus exigeants que je connaisse.
Merci à mes parents, Julien, Perrine (qui termine 1iere féminine à 55min de bibi), Thomas Thiébaud (1ier dormeur à Grotelle), Patrice, Cédric Therin (pour notre footing d’avant course), Mathieu, Philippe et tous les autres pour ce grand we de trail.
Aujourd’hui je n’ai pas couru pour la performance, mais simplement pour moi même et surtout être comme les 105 survivants du jour : Heureux d’être Finisher !