Après avoir eu le malheur de "goûter", un peu par hasard, à la course à pied en 2008, je me suis découvert une passion pour ce sport qu'est le trail.
Un sport d'addiction, où chacun peut y trouver du plaisir, une motivation, des défis à relever.
Un sport qui permet de découvrir de nouvelles contrées, des paysages, des ambiances uniques, des personnages.
Un sport de partage, où les derniers côtoient les premiers, où l'on partage des valeurs.
J'ai longtemps hésité avant de créer ce blog, car loin de moi l'idée de me mettre en valeur (ceux qui me connaissent n'en douteront pas en instant), je tiens surtout ici à vous faire partager ma passion, au travers de mes récits de courses et des tranches de vie vécues depuis quelques années sur les sentiers...et pourquoi pas vous transmettre ce virus qu'est le trail et plus particulièrement l'ultra trail!



jeudi 17 octobre 2019

Une Diagonale des Fous de l'interieur !

Même si l’on dit « jamais deux sans trois », c’est toujours avec un peu d’appréhension que l’on part courir la Diagonale des Fous. Cette année, je sais que mon entraînement n’a pas été optimal, mais un peu plus d’un mois après l’UTMB et avec mon expérience sur cette course, je sais que mon seul objectif est de devenir une fois de plus finisher et prendre un maximum de plaisir.
Les quelques jours avant la course sont consacrés à la préparation de la logistique car ce n’est jamais simple sur l’ile. On te dit
toujours que « ça va le faire, on trouvera une solution » mais on a toujours la crainte de se voir louper une assistance, ne pas se faire amener au départ. C’est au final ce qui fait aussi la magie de cette course, remplie d’à peut prêt.
Avec l’aide de notre ami Phil, nous rejoignons tant bien que mal et après quelques coups de téléphones de dernière minute la ligne de départ à 20h, avec Perrine et Julien avec qui je partage ces vacances et qui sont également inscrits sur la Diag. Cela nous laisse deux heures avant le départ. Comme d’habitude, la foule (toute l’ile) est venue acclamer les Fous pour départ de la course. Nous essayons de nous positionner au mieux pour partir juste derrière les élites. 
A quelques minutes du départ, quelques mots d’encouragements entre nous et voila qu’il est l’heure de partir. Go! Je fais quelques foulées seulement qu’une chute se produit devant moi. Avec la pression des 2500 coureurs derrière, impossible de résister et je mets un genou à terre car mon pied est bloqué. Le stress m’envahie par peur de me faire piétiner par la foule de traileurs. Je me releve  au plus vite pour fuir. Un rapide coup d’oeil autour de moi et je vois ma Pepe et mon Julien qui vont bien également. Ouf ! Après cette grosse montée d’adrénaline, j’essaie de me mettre dans la course et dans mon allure. Comme chaque année, les 8 premiers kilomètres se font avec une orde de spectateurs très dense, digne du tour de France. On ne voit pas les kilomètres passer. 
Premier ravito, je suis presque dans mes temps de passage des années passées. Tout va bien mais je sais qu’il va falloir que je ralentisse rapidement sous peine d’exploser plus tard avec mon entraînement plus « light » cette année. 
Peu avant le second ravito, nouvelle péripétie de course: en suivant le flot de coureurs, nous sommes victime d’une erreur de balisage (comme les 200 premiers de la course). Je perds alors une dizaine de minute mais relativise car la course sera longue. Devant c’est la panique générale car certains leaders comme Antoine Guillon ne sont pas encore passés et sont perdus. Mon assistance team DAF elle aussi est déboussolée car elle assure également l’assistance des leaders. Mais ils sont au top et s’occupent de moi comme des pros. 
Nous nous enfonçons peu à peu dans la nuit calme en s’approchant du volcan. Avec l’altitude le froid commence à m’envahir. Je me couvre et continue sur mon rythme. Je suis dans ma bulle, profite de la course et trouve mon rythme  pour arriver à la « Redoute coute que coute » comme disent les Réunionnais.
J’arrive à l’aube au ravitaillement de Mare à Boue. Je me pose sur une chaise pour manger un peu de riz et de poulet. Je vois alors Perrine qui débarque, elle aussi dans sa bulle, car malgré mes cris, elle ne m’entend pas. Je suis obligé de me lever pour lui taper sur l’épaule. Nous sommes heureux de nous voir. Elle est heureuse car en avance sur ses temps de passage. De mon coté, j’accumule du retard sur les miens, et  commence à broyer du noir. Je remets en cause beaucoup de chose, lié à mon manque d’entraînement, à mon envie de courir. le but de tout ça. Je lance même à Perrine qui me questionne sur mon état que « je veux arrêter la course à pied, car je ne trouve plus de sens ». N’empêche pour l’instant je suis là, et je me force à repartir avec Perrine et Manon qui nous a rejoint. On discute, un peu dans cette longue montée sur Coteau Kerveguen. Mais je sais que si je suis les filles dans les relances, je vais trop puiser et amputer mes chances d’arriver au bout. Sereinement et sans regret, je les laisse filer et reprends mon rythme de course, dans ma bulle, tout en gestion. 

Base vie de Cillaos, le jour est levé depuis quelques heures. Je récupère mon sac assistance et prends le temps de changer de chaussures, de tee-shirt, manger un plat de pâtes et décide de dormir 10 min sur la pelouse du stade, au frais. Je croise aussi un ami Poulxois, Sebastien et échange un peu avec lui. Le moral n’est pas au top. Je me pose beaucoup de questions sur la suite de l’aventure. Pourquoi continuer alors que je n’éprouve aucun plaisir. Ma seule motivation est pour l’instant de continuer pour profiter du cirque de Mafate. Pour la première fois de la course j’allume mon téléphone pour consulter mes messages afin de me remonter le moral. Laurie a essayée de me joindre car elle est au courant ( elles savent tout ces Galinettes) que je suis au fond du trou . Son message me touche  car elle me dit à juste titre que je n’ai rien d’autre à faire aujourd’hui et que j’ai beaucoup de chance d’être là et donc il faut que je continue même en mode randonnée pour en prendre plein les yeux dans Mafate. Ok, c’est vrai ! Je repars donc de Cillaos, pour continuer cette aventure que ce soit en 35h, 45h ou plus !

Il commence à faire chaud lorsque nous attaquons la montée du Taibit, qui va nous faire basculer dans Mafate. Une fois ce point franchi, impossible d’abandonner pendant plus de 40km. J’ai toujours le moral en berne malgré les paysages magnifiques. Je me pose énormément de questions. Une fois au niveau du col du Taibit, une vue imprenable sur le cirque de Mafate s’offre à nous. Je me pose sur un caillou et pense (trop) à la suite. Est ce que je continue, renonce ? Je ne sais plus quoi faire et manque de lucidité. Je sais que la seule personne qui peut alors m’aider à prendre la bonne décision à ce moment est Lisa. Je l’appelle et après seulement quelques minutes elle arrive à me convaincre ( ou m’oblige :-)) de continuer. A ce moment là, je sais alors que je serai finisher, quelque soit mon temps de course alors qu’il reste encore 90 kilomètres. 

A partir de ce point, j’abandonne l’idée de battre mes chronos passés, mon seul objectif n’est même pas de finir, car je suis sur que j’y arriverai, il est de partager avec les autres, vivre un grand raid de l’intérieur. Observer les coureurs, les motivations, échanger et partager avec eux sur nos expériences. Bref vivre une véritable aventure humaine.
Les ravitaillements s’enchainent. A chaque fois, je regarde sur mon téléphone les chronos que sont en train de réaliser Perrine et Julien. Je suis heureux pour eux. En courant, ou plutôt marchant, je discute avec un canadien qui me parle économie, un jeune réunionnais que je conseille car c’est son premier ultra, un breton qui s’est énormément investi pour cette course, un toulousain qui est l’idole de ses enfants…. Une autre course que celle dont j’ai l’habitude de courir en temps normal. Je profite mais essaie néanmoins de ne pas trop « m’endormir » et garder un petit rythme pour passer sous la barre des 45h de course. Je ne veux pas entamer une troisième nuit de course. 





La nuit tombe dans le cirque de Mafate. Afin de tenir correctement la seconde nuit, je décide de dormir 15 min au ravitaillement de Grand Place. Le ravito est équipé de lit de camp sous une tente, ce qui me permettra de dormir au chaud (car oui il fait froid la nuit). Après cette sieste, je suis bien et repars à un bon rythme. Les kilomètres défilent, je double pas mal de coureurs qui commencent à subir la course. Certains sont posés sur des rochers, d’autres dorment sur le bord du chemin ou sont emballés dans leur couverture de survie dans un coin des ravtios.
Le jour se lève et j’arrive à la seconde base vie à Ilet Savanah. Je suis en mode gestion pour à la fois remonter un peu au classement et ne pas « m’endormir » mais aussi pour profiter et assurer de boucler cette troisième Diagonale des Fous. Je me pose pour manger encore une fois du riz et du poulet, change une fois de plus de chaussettes et de tee-shirt. 
Je repars après une trentaine de minute. Je ne sais pas si le repas est mal passé, mais je suis dans le dur malgré mon rythme, je vois des étoiles et commence à avoir la nausée. Je me recentre sur ma course. Comme une fusée, un coureur me double en me gratifie d’une tape amical. C’est Lambert Santelli qui survole le trail du Bourbon. On échange quelques mots. Je le sens très serein avec son avance. Cela me fait énormément plaisir.

Peu à peu la nausée repart mais je ne suis pas au top de ma forme. je sers les dents. J’échange avec Lisa par téléphone pour me redonner un peu de courage. Les kilomètres défilent. A chaque ravito je prends des nouvelles de mes amis en tête de course, et Alice, la femme de Sebastien (mon collègue Poulxois) m’encourage car Sebastien n’est pas loin derrière. Ça remonte le moral tout ca. 

Il commence à faire très chaud sur ces sentiers peu arborés. Tout à coup, j’entend un coureur qui hurle « Y’a quelqu’un ? » Je lui réponds « oui » et l’attends. Dans son regard je le sens égaré. Il me dit que l’on tourne en rond et qu’il est déjà passé là 3 fois. Cela me surprends, je lui dit de me suivre. Au bout de 5 min, nous ne repassons pas du tout au même endroit et tout va bien, pas d’erreur de balisage. Je comprends alors qu’il devait être en pleine hallucination après 35h de course. Quant à moi, je suis surpris, et presque déçu de ne pas en avoir eut ! 
Avant dernier ravito, je sais que maintenant, hormis fracture ouverte, j’irai au bout. Je suis heureux et profite des derniers kilomètres. Je me paie le luxe de m’arrêter en haut de la dernière montée sur un caillou pour laisser mes jambes récupérer un peu afin de faire une belle dernière descente. Cette dernière se fait au train avec une dizaine de coureur. Ça descend vraiment tranquille. Au risque de passer pour celui qui joue le classement, je décide de doubler tout le monde et descends à fond les dernières kilomètres juste pour le plaisir ! J’ai la banane de voir que mes jambes réagissent encore bien en descente après 40h de course. 


42h30 de course, je pénètre dans le stade de la Délivrance à la Redoute. Je réalise alors que je viens de boucler ma troisième Diagonale des Fous ! Ludo Collet est sur la ligne, viens m’embrasser et échangeons quelques minutes sur cette expérience. Car oui,  cette fois ci pas de chrono, mais j’ai vécu quelque chose de vraiment different. Au contact des coureurs, à échanger, me retrouver avec moi même, réfléchir sur mes motivations, le sport…


Cette année, je serai peut-être un peu passé à coté de ma saison d’ultra mais j’aurai grandement appris d’un point de vu personnel et aussi dans l’approche de ce sport qui demande énormément de sacrifices personnels. 
Cette saison touche à sa fin, et je n’ai désormais qu’une seule envie, celle de retrouver mon niveau et revenir sur ce Grand Raid encore plus fort.
Un grand bravo à tous les Finishers, à Perrine et Julien pour leur superbes performances. 
Une grand merci à Phil, le breton local,  pour son aide logistique ainsi qu’à la Team DAF menée par Fabrice. 
Merci à mes amis, famille  pour leur soutien avant et pendant la course à plus de 9 000km de distance.
Merci à mon team EnduranceShop 13 pour sa confiance malgré une saison mitigée. 
Merci à mes ainés de Gardanne pour cette rééducation du LCA qui m’a permis de faire le doublé UTMB, Grand Raid.
Maintenant place à une fin de saison uniquement pour se faire plaisir et aborder sereinement la saison 2020 qui sera riche en nouveaux défis !