Après avoir eu le malheur de "goûter", un peu par hasard, à la course à pied en 2008, je me suis découvert une passion pour ce sport qu'est le trail.
Un sport d'addiction, où chacun peut y trouver du plaisir, une motivation, des défis à relever.
Un sport qui permet de découvrir de nouvelles contrées, des paysages, des ambiances uniques, des personnages.
Un sport de partage, où les derniers côtoient les premiers, où l'on partage des valeurs.
J'ai longtemps hésité avant de créer ce blog, car loin de moi l'idée de me mettre en valeur (ceux qui me connaissent n'en douteront pas en instant), je tiens surtout ici à vous faire partager ma passion, au travers de mes récits de courses et des tranches de vie vécues depuis quelques années sur les sentiers...et pourquoi pas vous transmettre ce virus qu'est le trail et plus particulièrement l'ultra trail!



vendredi 7 juillet 2017

Un Ultra Trail di Corsica magique !

Avec déjà trois participations à l’Ultra Trail de Corse, c’est confiant que je débarque le mercredi matin sur l’Ile de Beauté où je retrouve Corte sous un soleil de plomb. Après une bonne sieste pour recharger les batteries, je pars faire un dernier petit footing en compagnie de Julien et Hugo Germain le long du Tavignanu pour retrouver mes marques sur les roches granitiques Corses. Les sensations sont bonnes. Après un enchainement de plusieurs siestes le jeudi et avoir fait le plein de glycogène, c’est impatient que j’attends le départ qui sera donné à 23H30. Je refais le parcours dans ma tête, je le connais par cœur, je contrôle une nième fois mon matériel, et me voila parti rejoindre la ligne de départ et les amis traileurs. Je retrouve alors Julien Germain, Patrice Marmet, Georges Roux ainsi que Fabrice d’Aletto et Renaud Rouanet qui vont jouer les premières places.

 23H30, le départ est donné sur le cours Paoli avec une horde de spectateurs qui nous acclament jusqu'à la sortie de la citadelle.  Cela a pour effet immédiat de mettre le feu à l’avant de la course. En tant que « vétéran » du parcours, je sais qu’il faut rester calme et ne me fait pas emporter par la tête de course. Mon objectif est de respecter au mieux mes temps de passages ce qui me permettrait de finir en 20h, et au vu des classements de l’an passé faire un top 5. Je sais que cette course est très dure physiquement et mentalement et qu’il faut absolument rester frais au moins jusqu'à mi course.
En métronome, je passe les 2 premiers pointages à la minute près dans mes temps. Les sensations sont bonnes, des coureurs me doublent, mais je sais déjà qu’ils partent trop fort, et n’arriveront pas au bout. Je n’en tiens pas compte et fait ma course en solo. Je prends plaisir à progresser sur le parcours en comparant mon allure à celle de l’an passée. Je me surprends à descendre plus vite et cela sans  prendre de risques. Je profite du calme, de la pleine lune qui nous permet d’observer un peu le paysage. Je ne vois pas le temps passer alors que cela fait déjà 3h que nous courrons. Je n’ai aucune idée de mon classement, et ne m’en soucis même pas, mais je reviens alors sur un coureur surement déjà parti trop vite. Je me rapproche de lui, et m’aperçois que c’est mon Patrice. Je l’interpelle, il est également surpris de me voir. Malheureusement pour lui, il a des problèmes de frontale qui reste en mode économie d’énergie et n’éclaire presque pas. Nous courrons alors ensemble et lui propose de rester avec lui dans la grande descente sur Calacuccia s’il ne veut pas mettre plusieurs heures à descendre. Avec une frontale pour deux, la descente est forcement moins rapide mais je me dis que cela me permet d’économiser mes quadri pour la suite de la course. Nous poursuivons ensemble jusqu'au ravitaillement de Calacuccia.
Il est l’heure pour mes parents de rentrer en action dans leur rôle de ravitailleurs où ils remplissent ma poche à eau et regarnissent mon sac de barres énergétiques. Après quelques minutes de pause, je laisse Patrice qui prend son temps et pars pour l’ascension la plus longue de la course avec plus de deux heures de montée vers le lac du Cinto. Je sais que cette montée est importante pour la course car c’est la que les écarts vont commencer à se creuser. Toujours dans mon rythme, je monte en essayant tout de même de relancer sur les parties plates pour gagner un maximum de temps. Le jour se lève sur le Cinto et laisse apparaitre une lumière rougeâtre sur les sommets. Je profite du spectacle! Je retrouve alors un coureur qui est hésitant sur la trace à suivre sachant que le balisage est ici plus que sommaire.  Je le rassure en lui disant que je connais le chemin par cœur et qu’il n’a qu’à me suivre. Il me fait confiance et cheminons ensemble dans cette ascension interminable. On discute un peu, il s’appelle Jimmy, vient du sud ouest, et m’explique qu’il touche un peu à tous les sports. A la longue, je commence à le distancer, malgré mon allure qui me semble très lente vu le pourcentage de la pente. Plus nous progressons, plus nous devons poser les mains pour grimper. Cela devient de plus en plus engagé et usant pour le physique et le mental. Après un peu plus de 2h15 de montée, je bascule de l’autre coté de Bocca Cruccetta, sur les traces mythiques du GR 20. Je sais alors que c’est dans ce long tronçon qui nous mènera jusqu'à la base vie de Verggio il va falloir être rapide pour ne pas « s’enliser ». La descente est toujours aussi impressionnante et vertigineuse dans cet enfer minéral. Il commence à faire chaud. La seconde partie de la descente est beaucoup moins raide mais il y reste très dur de courir vu le nombre de cailloux et de rochers qu’il faut sans cesse éviter. Je me force néanmoins à conserver une foulée dynamique pour bondir de rocher en rocher.  Après un ravito express, toujours accueilli par des bénévoles aux petits soins, je repars sur le sentier jonchés de cailloux. Je croise pas mal de randonneurs sur le GR, qui restent médusés de nous voir passer aussi vite et nous prennent pour des fous. Dans la montée suivante, toujours aussi pentue, je reviens sur mon compère Jeremy et c’est alors à mon tour de m’envoler. Les kilomètres commencent alors à se faire sentir, surtout avec la chaleur qui commence à plomber le sentier.
11H30, j’arrive enfin à la base vie de Verggio où mon assistance est là. Comme prévu sur ma feuille de route, je me pose 10 min et profite pour manger. Je sais qu’il faut bien recharger les batteries car un coup de mou peut arriver à tout moment. Je mange d’ailleurs un peu trop en me payant le luxe de prendre 2 assiettes de salade de pates et me goinfre de bananes et canistrelli. J’en profite pour demander à mes parents et Hugo où en sont Patrice et Julien : Patrice n’a pas la forme mais continu à son rythme et Julien est sur mes talons. A la sortie du ravito, je tombe sur deux cochons sauvages en plein milieu du chemin. Je me retourne et demande à mes parents d’immortaliser ce moment et pose avec les bestiaux pour une petite photo. Je repars et m’aperçois tout à coup que j’oublie, comme à Calacuccia, de fêter un joyeux anniversaire à mon père, né un 7 juillet. Je rebrousse donc chemin sur une cinquantaine de mètre pour aller l’embrasser à sa grande surprise.

Les kilomètres qui viennent sont assez roulants et me permettent de digérer mon festin. Malheureusement la digestion prend du temps et je commence à sentir un coup de moins bien. De plus, le mental n’est plus au beau fixe car malgré ma sensation de vitesse avant Verggio, j’accuse 1h30 de retard sur mes temps de passage prévus et me dit qu’a ce rythme je serai finisher en 23h, soit une heure de plus que l’an passé avec une cote cassée. J’ai de plus en plus de mal courir et sens que la roue tourne. Je suis dans le dur.  J’essaye alors de profiter au maximum des paysages magnifiques et débrancher le cerveau ce qui me permet de rejoindre le ravitaillement du lac de Ninu. Une fois de plus les bénévoles sont adorables, me remplissent ma poche à eau, me mouillent la nuque…un petit coin de paradis dans cet enfer. Mais il ne faut pas se laisser bercer et je décide de repartir et reprendre un rythme digne de ce nom car je sais aussi que Julien n’est pas très loin derrière. Peu à peu la forme revient et je recours de plus en plus. Les kilomètres défilent rapidement malgré le sentier monotone qui nous mène vers la terrible montée sur la brèche de Capitello. De mémoire des années passées, je sais que cette cote est longue et éprouvante et je l’appréhende. Je débute l’ascension sous un soleil de plomb. Ca cogne. En débardeur, j’ai les épaules qui commencent à bruler, un bon coup de soleil et je n’ai pas de crème. Je vérifie mon niveau d’eau et m’aperçois que je vais bientôt être à sec. Quel idiot, j’aurais dut remplir au dernier point d’eau. Je sais que dans ces conditions je serai sans eau avant le sommet. Ce petit aléa me perturbe mentalement et je recherche en vain un torrent qui ne veut pas pointer son nez. De plus, j’aperçois alors Julien en bas du vallon qui commence à revenir. Il faut se reconcentrer et retrouver des pensées positives : Je sais que la montée est mon point fort, je sais que je ne crains pas la chaleur et que j’aurai assez d’eau pour arriver en haut alors go !  Je repars, et gravi ce col à la force des bâtons. Je trouve même un petit torrent où je sors mon gobelet pour boire quelques gogées. J’en profite pour me mouiller la tête et la casquette. Dans l’ascension, je reviens alors sur Jeremy qui est dans le dur. Il n’essaye même pas de suivre, et je sais qu’il reviendra en descente un fois de plus. L’arrivée à la brèche est très pentue et sollicite un maximum les cuisses et les appuis sur le bâtons. Je m’arrête un instant au sommet pour contempler le paysage et ranger mes bâtons.
Je m’aperçois que je suis dans une bonne dynamique car j’ai regagné pas mal de temps et il y a à nouveau moyen de finir en moins de 21h de course. Je continue sur ma lancée et tente de garder le rythme sur cette partie du GR20 très minérale qui relève plus de l’alpinisme que de la course à pied. Au ravito, je profite pour bien m’hydrater et attend Jeremy qui vient de me rejoindre. Nous entamons ensemble la descente vers le dernier gros ravito de Grotelle où mes parents et Hugo m’attendent. Je suis surpris de ne pas à nouveau voir mon collègue s’envoler, mais il me dit qu’après presque 10h à courir plus ou moins ensemble, il souhaite que l’on passe la ligne d’arrivée cote à cote. Ok pour moi même si je trouve que nous sommes encore très loin de l’arrivée pour passer ce genre de pact.
On progresse ensemble jusqu'à Grotelle où nous sommes accueillis comme des rois avec des bénévoles qui commencent à nous masser, nous rafraichir avec des éponges fraiches, et même me passer de la crème solaire sur mon coup de soleil….une fois de plus un pur moment de bonheur. Mais il faut repartir. Go, nous reprenons la route pour les 25 derniers kilomètres. J’explique à Jeremy la fin du parcours et lui annonce que la route est encore longue. Effectivement, la montée vers le plateau d’Alzu est interminable. Les grosses chaleurs sont passées, nous sommes en sous bois mais cela grimpe de plus en plus. Les derniers hectomètres ressemblent à une piste noir de ski tellement c’est pentu. Arrivé au sommet, je suis soulagé car je sais qu’il ne reste quasi plus qu’à descendre. Nous nous arrêtons au dernier ravito serein. Une fois de plus nous sommes prêt à profiter mais un bénévole nous annonce que le 10ième est à moins de 10 min devant et qu’il est très fatigué. En compétiteur, nous nous regardons en nous disant qu’il est possible de le reprendre. Tout à coup, on nous annonce aussi que nos poursuivants sont en train d’arriver. Ni une ni deux, nous repartons illico sans même avoir eut le temps de manger quoi que ce soit. Je saisi juste une banane au vol. Dans l’entame de la descente, sachant que Jeremy est plus rapide, je lui propose de casser notre pact et de partir à la poursuite du top 10. Il ne veut pas, mais j’insiste et il part. J’essaye néanmoins de le suivre car de mon coté je sais que Julien doit être proche et qu’il a les capacités pour revenir en descente. Je prends sur moi et attaque dans cette longue descente. Plus que 8km de relance le long de la vallée du Tavignanu, sur un single éprouvant que je connais bien. Au mental, je tente de relancer un maximum dans les petites bosses pour ne pas me faire reprendre par Julien que je pense à seulement quelques minutes derrières. A force de cravacher, je reviens sur Jeremy qui a levé le pied. Nous recourrons alors ensemble mais son rythme faibli car il commence à avoir mal au genou. Je me mets à son rythme car je ne me sens pas de l’abandonner, mais je bous intérieurement car d’une part je m’aperçois que nous pouvons passer en dessous des 21h mais aussi que Julien va surement revenir, et qu’entre Galinours, je me serais fait traquer à vie s’il m’avait repris aussi prêt de l’arrivée. J’annonce alors à mon compère qu’il faut garder le rythme en lui sortant ces deux motifs. Ni une ni deux il me répond alors que ce sont de bonnes raisons et accepte de se remettre dans le rouge. Je prends alors les commandes et imprime un rythme assez soutenu sur le plat et les montées où je tache de ne pas marcher. J’accuse le coup mais suis heureux de pouvoir finir en costaud. Il est 20h15, nous pénétrons dans la citadelle de Corte, il y a du monde partout aux tables des bars, restaurants, le long de la rue. On dévale les ruelles, euphoriques, en direction de la ligne d’arrivée que nous franchissons main dans la main à la 11ième place en 20H50. 

Même si avec ce temps j’aurais fait un top cinq l’an passé, et que cette année je suis aux portes du top dix, je suis comblé d’avoir aussi bien géré ma course de bout en bout, et réussi à accélérer progressivement en seconde partie de course pour finir sur les chapeaux de roues dans une cadence proche des premiers. Pas de problème d’alimentation, pas de gros coup de mou, un mental qui n’a jamais flanché, pas de douleurs, pas de chute, une course presque parfaite !
Bravo à mon collègue du jour, Jeremy, pour m’avoir accompagné jusqu’au bout, à Julien qui au final à terminé 30 min derrière à la 15ième place et à Patrice pour avoir été finisher même s’il n’était pas dans un grand jour. Un énorme merci à tous les bénévoles qui sont pour moi les meilleurs bénévoles que j’ai pu croisés sur des trails. Une mention spéciale également pour mes kinés Stephane et Mathieu car ce n’est pas que j’ai oublié d’en parler mais simplement parce que  je n’ai ressenti aucune douleur à ma cheville.

Quelques jours sont passés, et je suis toujours sur mon petit nuage Corse, fier et satisfait d’avoir été pour la troisième fois finisher de cet Ultra Trail di Corsica qui pour moi, techniquement et mentalement est le trail le plus compliqué que je connaisse.



We love Corscia, we love running !