Après avoir eu le malheur de "goûter", un peu par hasard, à la course à pied en 2008, je me suis découvert une passion pour ce sport qu'est le trail.
Un sport d'addiction, où chacun peut y trouver du plaisir, une motivation, des défis à relever.
Un sport qui permet de découvrir de nouvelles contrées, des paysages, des ambiances uniques, des personnages.
Un sport de partage, où les derniers côtoient les premiers, où l'on partage des valeurs.
J'ai longtemps hésité avant de créer ce blog, car loin de moi l'idée de me mettre en valeur (ceux qui me connaissent n'en douteront pas en instant), je tiens surtout ici à vous faire partager ma passion, au travers de mes récits de courses et des tranches de vie vécues depuis quelques années sur les sentiers...et pourquoi pas vous transmettre ce virus qu'est le trail et plus particulièrement l'ultra trail!



samedi 22 avril 2017

Le Penyagolosa Trail où quand la tendinite a raison du traileur !



115km et seulement 5500D+ : Il fallait s'attendre à un Penyagolosa Trail très roulant avec une horde de coureurs espagnols au sang chaud prêts à partir sur les chapeaux de roues. C'est donc un entraînement basé sur la vitesse que j’ai essayé de tenir quelques semaines avant la course si ce n'est sans compter sur une tendinite au niveau de la cheville qui me forcera à rester quasi au repos à 3 semaines de l'objectif avec des sons intensifs chez le kiné.
Malgré la cheville encore douloureuse quelques jours avant la course je prends tout de même la décision de m'aligner sur le départ de cette épreuve de l'Ultra Trail World Tour, accompagné de Galinette Laurie venue également représenter le Team EnduranceShop 13 à l'international.
Il est 23h le vendredi soir quand nous débarquons sur le lieu du départ, le stade d'athlétisme de l'université de Castellon. Il fait frais mais l'ambiance hispanique, la musique et le speaker œuvrent pour nous réchauffer. Avec Laurie et Roxane, les seules représentantes françaises, nous nous positionnons en tête avec les élites. Je sens que cela va partir vite entre l'entrain des espagnols et le fait de faire un tour de stade sur le tartan en guise de départ: une séance de fractionné à froid...au top!
Minuit le départ est lancé, je me fis à mes sensations, ma douleur à la cheville est absente, et les jambes légères. Je reste alors au contact du peloton de tête en compagnie des stars espagnoles et thimoty Olson. Le premier ravitaillement passe très vite, juste le temps de faire un signe à mes parents. Je ne m'arrête même pas. Je jette un coup d'œil furtif à ma montre: nous avons bouclé les 10 premiers km à plus de 12km/h de moyenne. Je me régale à relancer sur ces pistes et petits singles vallonnés en pleine nuit.


Apres une petite heure de course, alors que je suis 27ieme, sans grande surprise, ma cheville me rappelle alors qu'elle connaît depuis quelques semaines une inflammation. La douleur reviens peu à peu et le doute commence alors en s'installer en moi. Est-ce que la douleur va rester constante ou va elle s'amplifier et m'obliger à renoncer avant l'aube? J'essaye de ne pas trop y penser mais cette douleur supportable mais constante malgré quelques pics selon les appuis, me fait perdre les sensations au niveau du pied ce qui rend plus délicat les descentes techniques où l'entorse me guette à tout instant. Pour oublier je pense aux amis, Perrine, Julien et Thomas qui sont aux mêmes instants en train de courir l’autre étape de l’UTWT du we à Madère. J'essaye d'imaginer ou ils en sont sachant que j'étais sur ce même trail il y a tout juste un an.

A l'approche du ravito du 32ieme km, la douleur est toujours là et me perturbe psychologiquement: Faut il s'arrêter, continuer au risque d'aggraver mon inflammation et allonger irrémédiablement ma période de récupération? Je prends alors la décision de continuer l'aventure mais de changer de chaussures en optant pour un modèle avec plus d'amorti. Mes parents venus faire mon assistance récupèrent mes Terrex Agravic Speed en échange des Terrex Trailmaker. Je repars avec un peu plus de confort et cela se ressent....sur quelques km seulement car la douleur ne tarde pas à revenir. Je salue aussi rapidement Kamel, venu faire l'assistance de Laurie, et cela fait plaisir de le voir à chaque ravito.
Peu avant le levé du jour, les températures avoisinent les 0 degrés et au delà de mes problèmes de cheville, mes jambes commencent à perdre en souplesse après plus de 50km passés à courir sans jamais marcher à près de 10km/h. Le moral prend aussi un coup de mou. Je passe alors mon cerveau en mode ultra trail en me fixant comme objectif non pas l'arrivée, encore à 10h devant, mais le prochain ravito, et ainsi de suite afin de découper ma course en plusieurs étapes acceptables pour mon cerveau.
Malgré la douleur, j'apprécie grandement le levé du soleil au dessus des montagnes, qui vient lentement réchauffer l'herbe des prairies encore givrée par la petite brise nocturne. Les oiseaux s'éveillent peu a peu...un réel plaisir d'être la en pleine nature. C'est aussi pour cela que l'on fait ce sport.
Arrivé à la base vie de Culla je retrouve une fois de plus mes parents qui ont préparé mes affaires de rechanges, et se préparent à me ravitailler. Je me pose alors 15 minutes, comme je l'avais prévu dans mon plan de course mais surtout car j'en ai besoin. J'ai le moral au fond des chaussettes. Je m'assoie, mange un bol de riz, une banane et profite pour changer de teeshirt, option manches courtes avec les températures qui montent.
Je repars alors pour 18km où je sais que je ne verrai plus mon assistance. Ca va être dur mentalement. Une longue descente dans un single caillouteux et sec me rappelle toujours mon manque de sensations sur le pied gauche. Le plus ennuyant, c'est que cela modifie ma façon de courir, mes appuis et que je ressens alors un déséquilibre général avec des douleurs au niveau du genou et du bassin. Je suis en train de m'user au sens propre. Pour couronner le tout, je ressens également une douleur à l’orteil droit. J'enlève alors ma chaussure et chaussette sur le bord du chemin pour retirer le caillou qui doit le faire mal...mais non c'est juste que j'ai un ongle tout bleu. Rien à y faire, je me rechausse et repart en espérant ne pas le perdre d'ici l'arrivée.
Les kilomètres passent sur de longues pistes ou singles au faible dénivelé où il faut sans cesse relancer. J'ai de plus en plus de mal à courir sans souffrir, seule la marche limite ma douleur.
Je commence alors à cogiter sur l'intérêt à finir cette course si c'est pour marcher encore 40km pendant environ 10 heures vu ma moyenne horaire. A quoi bon faire souffrir mes articulations et traumatiser encore plus mon corps ce qui ne fera qu'allonger mon temps de récupération. Je vois déjà la tête de mon équipe de kiné à tenter de me retaper le plus vite possible pour recourir.
Dans mes pensées j’entends tout d'un coup une voix féminine surprise qui crie :"Damien?". C'est Roxane, qui revient en petite foulée sur moi. Je l'accroche, on discute de nos objectifs trails de la saison, des copains qui courent à Madère. Après quelques minutes je craque et la laisse partir. Cela ne me pèse même pas moralement car cela fait déjà quelques heures que je me fais doubler par des coureurs et sais que ma course est perdue. Mon seul nouvel objectif n'est même pas de finir, mais d'accumuler des bornes dans le dur et forger un peu plus mon mental.

Arrivé au ravito de Vistabella je retrouve une fois de plus mon assistance qui est aux petits soins. Je retrouve aussi Kamel, toujours aussi Zen qui attend sa Galinette Laurie. Elle ne doit pas être loin? D'ailleurs le temps de remettre mon sac sur le dos qu'elle débarque dans la salle. Ca me fait plaisir de la voir car cela signifie qu'elle est dans ses temps. Je repars en lui signalant qu'elle devrait rapidement revenir sur moi vue ma vitesse même si elle me répond qu’elle aussi n’avance pas.
C'est reparti pour une guerre mentale et physique de 7km jusqu'au prochain ravito. Les parties où j'arrive à courir sont rares. Rapidement Laurie me rattrape. On discute un peu. Elle me dit aussi que c'est trop roulant pour elle mais je trouve que sa foulée est encore efficace par rapport à la mienne. Doucement elle s'échappe vers sa future 7ieme place sur une épreuve de l'UTWT, bravo Galinette ! Quand à moi toujours en mode randonnée, les kilomètres paraissent interminable à 4km/h de moyenne. Je sors alors mon tableau de passage avec le profil du parcours pour voir qu'après le ravito il me restera 18km à faire avec plus de 500D+ soit plus de 5h de course ou plutôt de marche pour me faire arriver en début de soirée. Quel intérêt de poursuivre dans ces conditions ? Certes celui d’être finisher, d’avoir un médaille, mais en dépit de quoi? De casser encore plus la machine, allonger mon temps de récupération, risquer une entorse avec mes appuis approximatifs? Je pense avoir atteint mes objectifs en ayant tenu mentalement toute la journée, limité la casse en faisant tout de même une belle sortie longue. Pour moi c’est mission accomplie je me donne le droit de me considérer comme finisher de mon défi si j’arrête au prochain ravito, sans regret ni remord.
Arrivé à ma ligne d'arrivée fictive, je me pose alors sur une chaise, profite de quelques pâtisseries, bananes et coca frais servi par mes parents, et vais sereinement rendre mon dossard à l'organisation. Fin de l'aventure du Penyagolosa Trail qui aura fait pour moi 101km, 4600D+ en 14h30 d'effort. 

Je repars la tête haute en voiture de ce ravito en sachant que je ne verrai jamais la ligne d'arrivée de ce trail. Aucun regret, juste la satisfaction d'avoir tenu cette distance malgré ma blessure, m'être endurci en ne fléchissant pas même dans le dur, avoir acquis encore un peu plus d'expérience sur un ultra et sa gestion. Et aussi malgré les passages durs d'avoir profité de magnifiques paysages, odeurs, sensations que nous offre dame nature: « I love running!!! »
Un grand bravo à nos 2 Françaises Laurie et Roxanne qui terminent respectivement 7ieme et 6ieme féminines. A Perrine et Julien qui bouclent remarquablement leur trail sur Madère avec un plateau très relevé. 
Merci à mes parents à qui j'ai confié pour la première fois l'intégralité de mon assistance et qui ont géré parfaitement en me permettant de repartir au top après chaque ravito. Merci aussi à Kamel pour ses grands sourires a chaque ravito!

Maintenant place a la récupération avec l'aide de mes kinés de Gardane et objectif l'ultra de Corse début juillet. J'ai hâte!